Semaine de l'alternance de la Cohésion sociale organisée par Uniformation du 3 au 7 avril 2023Le dispositif de reconversion ou promotion par alternance (Pro-A) a fait tardivement son apparition dans la réforme de la formation professionnelle de septembre 2018 pour remplacer l’ancienne période de professionnalisation. Son objectif : faciliter un changement de métier ou favoriser une promotion professionnelle grâce à une formation en alternance et l’obtention d’une certification professionnelle.

Quel premier bilan peut-on faire aujourd’hui de la Pro-A ? Comment ce dispositif peut-il accompagner les transitions professionnelles vers des métiers en tension ? Quels sont ses atouts mais aussi ses limites ? Uniformation a posé le débat le 3 avril 2023, lors de l’ouverture de la Semaine de l’alternance de la Cohésion sociale.

Pour l’occasion, Sébastien FÉVRIER, Responsable du Pôle Développement de l’alternance chez Uniformation, a réuni autour d’une table ronde des acteurs de branches professionnelles rattachées à l’Opérateur de Compétences (OPCO) de la Cohésion sociale et leurs partenaires :

  • Aurélie BOUTET, Responsable de projets RH à l’Association Nationale des Employeurs de la Mutualité (ANEM) ;
  • Vincent DONNE, Chef de projet Formation professionnelle et compétences à France Stratégie ;
  • Alda GAULTIER et Laure SERVAT, représentantes paritaires de la branche de l’Aide, de l’Accompagnement, des Soins et des Services à domicile ;
  • Corinne MORVAN, Déléguée régionale de la délégation Bretagne Normandie à Uniformation ;
  • Stéphane RÉMY, Sous-directeur des Politiques de formation et du contrôle à la Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DGEFP) au ministère du Travail.

Forte réactivité des partenaires sociaux de la branche Mutualité

Spécialiste du droit de la formation professionnelle, Aurélie BOUTET a témoigné, au cours de ce débat, de la « grande réactivité » des partenaires sociaux de la branche Mutualité afin de rendre effectif aussi rapidement que possible le dispositif Pro-A. Pour cela, les acteurs paritaires se sont appuyés sur les travaux prospectifs de l’Observatoire des Métiers et de l’Emploi en Mutualité (OEMM).

« Dans la branche Mutualité, le recours à la période de professionnalisation était fort. Il était donc important que la Pro-A puisse prendre le relai », a-t-elle expliqué. Les partenaires sociaux se sont donc vite mis au travail pour passer les certifications professionnelles au crible des deux critères conditionnant l’accès effectif au dispositif :  la « forte mutation de l’activité » et le « risque d’obsolescence des compétences » des salariés.

Trois types de mutations, se cumulant parfois pour certains métiers, ont été identifiés sur les deux principaux champs d’activité des mutuelles et unions mutualistes, à savoir l’assurance de personne d’une part et le secteur sanitaire et social d’autre part :

  • L’impact du numérique sur la relation avec les adhérents ou patients ainsi que sur la pratique des métiers ;
  • L’impact des évolutions réglementaires encadrant fortement les activités sur des marchés de plus en plus concurrentiels ;
  • L’impact des politiques publiques et de la stratégie des acteurs mutualistes pour renforcer l’accompagnement des personnes dans leurs parcours de santé et de vie.

« Accompagner les salariés vers des métiers en émergence »

« L’accord Pro-A de la branche Mutualité est le reflet de toutes ces évolutions et compte au total une centaine de certifications qui couvrent l’ensemble des activités de la branche : métiers commerciaux, de la gestion, des systèmes d’information, métiers du soin, de la petite enfance, de l’aide à domicile. Outre les métiers en tension, nous avons été attentifs à accompagner les salariés vers des métiers en émergence : développeurs, e-marketing, e-santé », précise Aurélie BOUTET.

Au sein de la branche de l’Aide, de l’Accompagnement, des Soins et des Services à domicile, la Pro-A constitue aussi « un vrai levier pour les salariés en poste, enchaîne Alda GAULTIER. L’obtention d’une certification est un facteur de qualité dans l’aide aux personnes et contribue à l’employabilité des salariés ». « Environ 40% des salariés de la branche sont recrutés sans qualification, ajoute Laure SERVAT. Permettre à ces personnes d’évoluer, une fois qu’elles ont intégré nos structures, est donc très important. »

Des contraintes réglementaires qui freinent le recours à la Pro-A

Pour autant, les branches professionnelles pointent les difficultés à mettre en place le dispositif Pro-A. Premier obstacle : les certifications éligibles doivent faire l’objet d’un accord étendu. Ainsi, pour la branche Mutualité, les acteurs ont dû patienter un an entre la signature de l’accord et la parution de l’arrêté d’extension.

Les difficultés règlementaires sont nombreuses : « En comparaison, nous regrettons la souplesse qu’offrait auparavant la période de professionnalisation. Il est notamment dommage que l’accès au dispositif soit limité aux seuls salariés ayant un niveau inférieur à la licence », indique Laure SERVAT pour la branche de l’Aide.

Aurélie BOUTET confirme pour la branche Mutualité : « Les diplômes d’infirmier et d’éducateur de jeunes enfants, des métiers particulièrement en tension, ne peuvent malheureusement pas être préparés dans le cadre d’une Pro-A car les parcours durent 3 ans. Or la Pro-A est limitée à 24 mois ! Il nous faut donc élaborer d’autres solutions de transition professionnelle… »

La Pro-A « a pris son essor », assure le ministère du Travail

Du côté du ministère du Travail, on reconnaît ces freins : « Cela a été un peu difficile au démarrage, car les considérants qui encadrent le champ de la Pro-A sont portés par voie légale », déclare sans fard Stéphane RÉMY, Sous-directeur des Politiques de formation et du contrôle à la Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DGEFP). « Les contraintes sont donc relativement fortes : il faut une liste de certifications éligibles, un accord étendu, on ne peut pas aller au-delà de la rémunération au Smic, on est sur des niveaux forcément infra licence, un avenant à contrat de travail est obligatoire… »

Mais, estime Stéphane RÉMY, la Pro-A a désormais « pris son essor. Plus de 180 accords ont été conclus et plus de 150 qui ont été étendus. C’est vrai particulièrement dans le champ du care, de la santé, de la protection sociale. C’est là que le dispositif a le mieux fonctionné. Grâce aussi à la participation de l’État et notamment le plan de relance, qui a renforcé les crédits de la Pro-A ».

La Cohésion sociale espère que la loi de 2018 sera « revisitée »

Et demain ? Tout l’auditoire était attentif aux propos de la ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnels, venue ouvrir cette Semaine de l’alternance aux côtés de la Présidente d’Uniformation, Catherine GATTI. Carole GRANDJEAN a assuré de sa volonté d’évaluer la loi de 2018 et de « trouver un certain nombre d’ajustements, d’améliorations dans son déploiement. » Un état des lieux est en cours.

Pour le Vice-Président d’Uniformation, David CLUZEAU, les acteurs de la formation professionnelle mettent leurs espoirs dans une « nouvelle visite de la loi de 2018 », qui desserre les restrictions actuelles au développement de la Pro-A : « Il y a des enjeux d’attractivité et de promotion des métiers, les problème de pénurie dans certains métiers, dit-il. Et il y a aussi la question de l’insertion durable dans l’emploi. C’est un enjeu auquel nous tenons beaucoup, car nous ne sommes pas la cohésion sociale pour rien…  » Une question de justice sociale, donc.